mercredi 14 décembre 2011

Requiem pour une Société.


Qu'avons nous fait? Comment a-t-on pu en arriver là? Comment notre société peut-elle laisser tomber ses individus, ses frères, soeurs ou cousins? Comment est-il possible qu'un homme en vienne à vouloir massacrer ses semblables avant de se donner la mort? Pourquoi est-ce que cela peut arriver dans une ville festive comme Liège?

Voilà une partie des questions qui me viennent ce matin. Que cela arrive dans un pays comme les USA ne me «choque» plus autant. En effet, Michael Moore dans son film «Bowling for Columbine» m'a donné beaucoup de clés pour «comprendre». Mais chez nous, en Belgique, chez moi, chez toi, chez Noredine? Comment est-ce possible?

Dans notre petit pays paisible, où nous buvons des bières à profusion en se chamaillant sur les propos de Wafelman et sur le flamand d'un italien devenu premier ministre, dans nos contrées où les étudiants se battent pour le folklore du baptême, dans notre havre de paix où le tutoiement est de rigueur: qu'est ce qui nous a fait basculer dans ces cauchemars?

Car il y en a eu plusieurs. Ce n'est pas seulement le massacre du 13 décembre 2011qui me révolte, mais également celui du 23 janvier 2009, à Termonde. C'est chez nous, pas à l'autre bout de la planète dans un des pays rongés par l'égoïsme, la guerre ou le terrorisme. Non, c'est chez moi, chez toi, chez Noredine, chez Kim.

Je refuse de croire que ce sont des malades mentaux qui doivent être condamnés le plus sévèrement possible, je conteste le fait que ce soit à cause d'une justice laxiste envers les récidivistes qui les a laissés perpétrer leurs actes horribles. Je me demande surtout qu'est-ce qui peut pousser un homme à se lever un matin pour accomplir un acte d'une barbarie d'un autre âge.

Comment quelqu'un peut-il haïr une société au point de tuer des bébés, des femmes, des hommes, des passants? Qu'a fait ou justement n'a pas fait cette société? Qui n'a pas réussi à tendre une main salvatrice à ces être humains qui ont choisi de basculer dans l'assassinat? Quelle profonde douleur n'a pas pu être apaisée?

Aujourd'hui, j'ai mal à ma Belgique. Pas la politique qui, somme toute, est bien futile. Non, à celle qui est humaine, profondément humaine. Celle qui nous caractérise en tant que Belges. Les larmes me montent aux yeux en pensant à toutes ces familles qui ont été privées d'un membre. Mon coeur saigne pour toutes les victimes, y compris les meurtriers.

Car ils sont victimes aussi. Ils ne sont pas innocents, leurs actes sont indignes, innommables, mais Ô combien humains. Leurs tourments ont été tellement forts qu'ils ont poussé leur être à passer à l'acte. Leur désespoir, leur colère ou je ne sais quel autre ressentiment envers Nous a été le déclencheur de ces exécutions irréversibles et consternantes.

C'est accablant de voir ces gestes, leur qualification au travers de mots est presque impossible. Mais les réactions, humaines, le sont tout autant. Le racisme, la haine envers la haine, les condamnations sans remise en question sont encore plus déprimantes. Ce sont des êtres humains qui sont morts, tués par d'autres êtres humains. Au hasard, froidement, implacablement.

Est-ce une raison pour prôner la vengeance, la loi du Talion ou stigmatiser toute une population? Certainement pas. C'est plutôt le moment de se poser et réfléchir. De montrer notre Solidarité et notre Compassion envers toutes les familles en empêchant que cela arrive de nouveau. Il faut que cela serve de leçon à toute la Société, et qu'elle en tire les conclusions. Mais le veut-elle?

Nous allons dans une impasse. À force de nous américaniser nous prenons les mêmes défauts. C'est cela que nous voulons? Préférerons nous construire des écoles ou des prisons? Choisissons nous d'être solidaires ou solitaires? Ferons nous une marche blanche ou une commission pour nous donner bonne conscience? Ou préférerons nous tout simplement prier un Dieu?

Ce qui me fait peur, qui me fait trembler, c'est que la voie choisie est plutôt celle de la pendaison sans jugement, sans compréhension. Le venin de l'animosité a empoisonné le sang de mon pays, du tien, de celui de Noredine, de Kim et de tous les futurs détraqués que nous aurons nous-même créés. Bientôt, nous aussi, nous enverrons des enfants préadolescents en prison.

En écoutant Mozart, je pleure. Requiem d'une société pacifique, unie, soudée qui fait place à l'égoïsme du profit.

À lire également:
Quand le racisme se nourrit de l'émotion, de Mateusz
Un meurtrier, d'Anne Löwenthal
Mode d'emploi du petit raciste accompli, de Marie Véja

vendredi 2 décembre 2011

La manifestation de Brandon.


C'est un Brandon triomphal que j'ai eu ce matin au téléphone. Il était épuisé, mais heureux. Hier, la manifestation contre l'austérité a été un franc succès. Les médias corrompus par les banksters parlent de 50.000 personnes, mais il est persuadé qu'ils étaient au moins un million. Le peuple a prouvé que la solidarité est nécessaire.

Comme à son habitude, c'est au Germinal qu'il a commencé sa semaine de militant. Car cette fois, c'est la nation qui avait besoin de son savoir-faire. Dès dimanche soir, les meetings et réunions s'étaient enchaînées. Après de longues négociations et quelques bières bien méritées, le planning de la semaine était bouclé.

Lundi, conférence sur l'Histoire du Socialisme à l'amicale des cheminots avec le Doc. Mardi, brainstorming sur les slogans percutants. Mercredi, "tous rouches" au café des sports. Jeudi, festival de la Chanson Militante avec l'Unisson des Refrains Symphoniques Solidaires. Vendredi, soirée de préparation au finish (carapils à volonté).

Grâce aux camarades syndiqués de la S.N.C.B., Brandon et ses camarades ont opté pour le train. Au départ, ils avaient prévu de s'entasser dans son camping car, mais ils n'avaient pas réussi à nommer un Bob. Heureusement, Ayrton eut la présence d'esprit de rappeler qu'en ce jour de grève nationale, les trains roulaient.

Et oui, c'est aussi cela, l'amitié qui lie les différentes factions grévistes. Et c'est donc emmitouflés dans leurs vestes rouges qu'ils sont montés dans le train vers Bruxelles. À peine dans le wagon, Brandon se leva et entonna l'Internationale de sa voix rauque mais sensible. Ses compagnons de combat le suivirent et l'émotion fit couler sa désormais légendaire larme sur sa joue gauche.

Il était 6h54 et les doux «pshiiiiiiiiiit» des cannettes rythmaient le voyage vers la Capitale. Tout était en ordre, le gueulophone, les banderoles et surtout leur slogan était prêt. «Non Non Non Non Non». Simple, efficace et très facilement prononçable en cas de biturite aigüe. C'est d'ailleurs dans cet état qu'ils ont eu leur éclat de génie mercredi matin vers 4h08.

L'ambiance commençait tout doucement à monter, les carapils coulaient à flot. À chaque arrêt de train, des camarades venaient les rejoindre pour démontrer au Grand Capital que les 99% existent. Petit à petit, des photos commençaient à être prises, et Brandon se rappela des consignes de la section locale du Parti: "Alcool discret".

En effet, ce serait dommage que l'opinion publique pense que c'est un défilé carnavaleresque composé de chômeurs chroniques venus défendre leur pouvoir d'achat de bières. Mais Brandon avait tout prévu. Il avait laissé fermenter une infusion à base de ravini, de porto et de gueuze framboise toute la semaine.

Il s'enferma dans les toilettes, sortit son cocktail et une boîte qu'il avait chipée à Jess. Le bocal était à peine ouvert que l'alcool lui attaqua les narines. Il trempa le morceau de coton dans le récipient et attendit quelques instants. Au bout du fil pendait son nouvel éthylo-booster. Il n'était pas certain que cela fonctionnerait, mais il devait le tester.

C'est ainsi que pour la première fois de sa jeune vie, il s'introduisit un tampon imbibé d'alcool dans l'anus. Des bons souvenirs de Siegfried¹ et des policiers niçois² vinrent titiller sa libido. Il se rendit compte que cela lui donnait une érection et que marcher lui procurait beaucoup de plaisir. La journée allait être magnifique.

L'euphorie le gagnait, et il évoqua avec nostalgie les grands mouvements sociaux. Il se rappelait aussi que Mathot et Van Cau étaient les leaders de la Grande Époque. Lorsqu'il se souvint que ce sont maintenant leurs fils qui ont pris la relève, une deuxième larme est venue mourir sur sa joue gauche, en solidarité avec la première.

C'était le retour du socialisme de Papa, et il était fier et heureux de soutenir tout cela. Lorsqu'il se retrouva au milieu de la foule il se sentit porté par la mutinerie et c'est au son des «Non Non Non Non Non» qu'il levait son poing démonstratif. Il était tellement excité qu'il décida de s'éclipser et de s'enfiler la totalité des tampons dans le rectum.

Sa jouissance fut brève mais intense. Il se souvint qu'il avait envie de rouler des pelles à tout va et que toutes les filles étaient jolies. Il se réveilla, une fois de plus, entouré de policiers hilares. Il comprit à leur accent qu'il était de l'autre côté de la frontière linguistique. Il était à Zaventem, et ils allaient utiliser le dispositif mis en place pour les mules.

Brandon chanta l'Internationale avant d'ingurgiter le puissant laxatif.


¹Voir le secret de Brandon
²Voir les vacances de Brandon 

Retrouvez toutes les aventures de ce anti-héros sur sa page Brandon, le Wallon. 

Et on démarre une autre histoire....

Une page se tourne aujourd'hui avec la fin de mon blog en cet endroit. En effet, j'ai décidé de ne plus l'alimenter à cette adr...